A Vallorcine, la "vallée aux Ours", une vallée de haute montagne au nord du mont Blanc, la nature est plus violente que nulle part ailleurs: hivers interminables, tempêtes de neige, avalanches qui "courbent sous elles les forêts commes des herbes". Sur ces versants dressés comme des murailles, pourtant, les Vallorcins ont planté leurs hameaux, dévidé les lacets de leurs sentiers, accroché leurs champs jusqu'à la limite des pierriers.
Au début du xxe siècle, Vallorcine, est restée ce "pays d'en haut" complètement isolé quand la neige verrouille le passage des cols, où l'on tire la quintescence de ce qui se trouve sur place : les champs, la pierre, le mélèze; où le travail se fait à la seule force de l'homme; où de génération en génération se répètent les mêmes gestes dans les mêmes lieux, selon les lois immuables dictées par la montagne.
Mais la montagne souveraine hausse les hommes à sa mesure, et dans son austérité, les générosités de vie prennent tout leur sel: la fulgurance des printemps, la fraicheur de la belle herbe verte, la féérie des jours de vendange dans la douceur de la plaine valaisanne... Quand un jour, les gens de la ville arrivent, avec le projet d'un chemin de fer qui relierait Vallorcine au monde des autres hommes, les anciens, derrière Elie Carroz, le "maître de la forge et des meules", refusent, habités par la crainte mystique d'attenter à la Montagne. Mais l'espoir d'une vie plus facile emporte les votes.